24 Mai encore dans le train

Il est 8h, non 9h, on a encore pris une heure sur Moscou. On a tous dormis comme des souches faisant fi du décalage horaire. Personne ne s’est rendu compte de l’arrêt à Novossibirsk à 3430 Kms de Moscou ni n’a assisté à la traversée de l’Ob, un des plus grands fleuves de Sibérie. Pourtant l’arrêt a parait-il été bruyant. Je me souviens de vagues éclats de rires !
On est en pleine Sibérie centrale. Le ciel est bas et le dégel ou « raspounitsa » commence à peine. L’eau et la neige s’entremêlent sur le sol. Vincent nous indique qu’il a encore neigé le jour de notre départ.

  Pendant le traditionnel petit déjeuner nous dissertons sur le sens de la vie. Vincent nous conseille « Le cygne noir » ou la puissance de l’imprévisible de Nassim Taleb. Nous n’avons pas encore lu ce livre mais voici ce qu’en dit le critique des « belles lettres » sur Internet :
« Quel est le point commun entre l'invention de la roue, Pompéi, le krach boursier de 1987, Harry Potter et Internet ? Pourquoi ne devrait-on jamais lire un journal ni courir pour attraper un train ? Que peuvent nous apprendre les amants de Catherine de Russie sur les probabilités ? Pourquoi les prévisionnistes sont-ils pratiquement tous des arnaqueurs ? Ce livre révèle tout des Cygnes Noirs, ces événements aléatoires, hautement improbables, qui jalonnent notre vie : ils ont un impact énorme, sont presque impossibles à prévoir, et pourtant, a posteriori, nous essayons toujours de leur trouver une explication rationnelle. Dans cet ouvrage éclairant, plein d'esprit et d'impertinence, Taleb nous exhorte à ne pas tenir compte des propos des « experts », et nous montre comment cesser de tout prévoir ou comment tirer parti de l'incertitude. » 

Le train continue son petit bonhomme de chemin et nous arrivons à Achkins à 3940 Kms de Moscou. Il s’agit d’un nœud ferroviaire important situé au bord du fleuve Tchoulin. C’est aussi un grand centre d’exploitation du bois de pin de Sibérie. Il y a beaucoup de convois ferroviaires chargés de ce bois. Comme pratiquement toutes les gares, celle-ci dispose encore d’un château d’eau en bois, du temps de la machine à vapeur.
  De nos jours, les trains électriques n’ont plus besoin de se ravitailler, mais les locomotives sont changées tous les 400 Kms. La provodnista en profite pour recharger la réserve à charbon du samovar.
A chaque arrêt intermédiaire des techniciens viennent s’assurer de l’état des essieux en tapant dessus à coup de marteau.
 

Après l’apéro de midi toujours peu chargé en vodka, Nous approchons de Krasnoïarsk. La campagne est très enneigée encore. Les gens sont couverts. Les cimetières de Sibérie sont charmants. Chaque tombe très fleurie est entourée d’une petite clôture. Des bancs et une table sont disposés autour. Vincent nous explique que dès qu’ils le peuvent les gens viennent manger et boire avec les défunts. Le lendemain des fêtes importantes les ivrognes, qui sont fort nombreux, viennent finir les bouteilles de vodka laissés pour les morts.  
Parfois quelques collines fort rares nous permettent de nous rendre compte de l’immensité de la taïga. Les sous-bois sont encore couverts de plaques de neige. Les rivières descendent impétueuses.  
Nous arrivons à 14H à Krasnoïarsk situé à 4104 Kms de Moscou. Nous profitons d’un arrêt de 20 minutes pour descendre sur les quais. Il n’y a pas de vendeurs à la sauvette. Nous photographions la locomotive qui commémore la victoire de 1945 et que nous retrouvons dans toutes les gares.
 L’équipe de foot ainsi que les messieurs aux grosses malles débarquent. Nous ne sommes plus que tous les 5 dans le wagon.
Juste après le démarrage du train nous traversons l’Ienisseï qui est un des plus grands fleuves de Sibérie (4102 Kms). 

  Après ce fleuve qui se jette dans la mer Arctique, commence la Sibérie orientale.
Nous partons au wagon restaurant où le menu est semblable à celui de la veille avec un plat de sarrasin en plus et une autre marque de bière.

Après le repas, lecture. Je finis un bouquin que m’a prêté Vincent intitulé « Les idées reçues sur la Russie ». Ce livre ni fait ni à faire est une succession de banalités.
Je commence « Ermite de la taïga » de Vassili Peskov. J’attendais avec impatience que Jackie le termine. Voici une critique de cet ouvrage parue sur le site Internet de « Critique libre » :

« La vie surprenante d’une famille de vieux-croyants, les Lykov, vivant complètement coupée du monde dans la taïga sibérienne. Elle fut découverte par des géologues par hasard alors qu’ils établissaient une base non loin de là. L’histoire de cette famille, rapportée par le journaliste Vassili Peskov, est par certains côtés un documentaire captivant qui nous apprend l’existence de personnes dans des conditions de vie totalement improbables. On apprend pourquoi certains vieux-croyants se sont retrouvés dans cette situation, «loin du siècle» selon leurs termes, et comment ils acceptent leur sort comment celui voulu par Dieu. J’ai découvert, étonnée, leur maison, leurs prières, leurs ustensiles, leurs plantations, leur vision du monde… Quelques photos permettent de se faire une idée de leur manière de vivre. On suit l’évolution de ces personnes avec l’arrivée des géologues qui vont leur apporter un peu de civilisation. Du moins, la part qu’ils acceptent, celle qui leur est « autorisée ». Je suis restée happée par leur histoire, essayant parfois d’imaginer certaines situations… A lire absolument. » 

Après le tea time, nous achetons nos deux verres à thé estampillé transsibérien à la provodnista. Il nous en coûte 1000 roubles par verre !
1€ valant en gros 37 roubles, ça nous fait le verre à 37€. Un peu cher mais Vincent nous dit que la provodnista doit les déclarer perdus et rembourser le double de la valeur à la compagnie. Est-ce vrai ?

Nous allons nous coucher après une longue rêverie en regardant défiler le paysage.

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