26 Mai à Irkoutsk

Nous nous réveillons à 7h du matin après une nuit de rêve. Je traîne un peu au lit pendant que Jackie part se balader en attendant le petit déjeuner. Ce dernier, préparé par Nikolai,est somptueux : Blinis, confiture de groseilles, fromage, œuf au plat, charcuterie. Après des adieux chaleureux de notre hôte, nous quittons cette demeure idyllique pour visiter le musée océanographique qui se trouve à quelques pas de là en bord de mer, pardon de lac. Je n’arrive pas à m’y faire !
Anna nous a rejoint sans son bébé à notre grande déception. Son mari a pu se débrouiller pour le garder.
Elle nous guide dans l’aquarium, qui bien que plus petit que celui de Monterrey en Californie n’en est pas moins passionnant. Toutes les espèces animales du lac y sont présentes ainsi que quelques poissons du lac Tanganika en Afrique. Les deux musées sont jumelés à cause de leur ressemblance hydrographique et géologique. Ceux du Tanganika sont plus colorés car l’eau y est bien plus chaude.

Le Baïkal est tellement gelé sur une grande profondeur l’hiver (50 à 70 cm) que les voitures peuvent y rouler dessus sans craintes. On y a même vu des trains au début du siècle derniers lors de la guerre entre Russe et Japonais.
Les poissons du Baïkal sont essentiellement des salmonidés dont le plus courant est l’omoul ,ainsi que des esturgeons prisés pour leur caviar. Il y a de curieux petits crustacés presque transparents qui vivent en profondeur et qui sont les véritables recycleurs du lac. Ils avalent tous les déchets organiques qui tombent jusqu’à eux.  

Mais l’animal qui attire le plus les visiteurs est le phoque du Baïkal, endémique du lieu. C’est le seul phoque d’eau douce au monde. Les savants pensent qu’il est le descendant de phoques de l’océan arctique qui sont arrivés là par l’Ienisseï puis son affluent l’Angara, déversoir du lac au sud de ce dernier, puis s'y sont retrouvés piégés et se sont adaptés. On compte environ 60 000 phoques dont les deux du musée. 
 Il y a une classe qui fait la visite en même temps que nous. Pendant que la maîtresse parle en montrant les aquariums, les chers enfants arrachent subrepticement les poils d’un bébé phoque naturalisé. On dirait qu’il a la pelade !
Le lac Baïka,l assez préservé jusque là, est menacé par la rivière Selenga qui charrie tous les déchets industriels en provenance de la
ville russe Oulan Bate, et d'une usine de pâte à papier. Cette usine vient de redémarrer après un interruption de plusieurs années pour sauvegarder des emplois vitaux dans ce coin désindustrialisé de la Sibérie.
Un barrage hydroélectrique à la naissance de l’Angara entre le lac et Irkoutsk a fait monter le niveau des eaux et endommagé les berges.
La légende du gigantesque rocher qui barrait le fleuve à sa naissance que nous a conté Anna n’a aujourd’hui plus beaucoup de sens. Le rocher affleure à peine. Je vais essayer de la résumer malgré ma mémoire quelque peu défaillante :
« Le dieu du lac avait deux enfants, un garçon et une fille qui se disputaient tout le temps. Le dieu avait promis le lac au premier des deux qui se marierait. Le garçon jeta son dévolu sur sa sœur qui se refusait à lui. Elle fini quand même par faire semblant de lui céder et par une ruse infâme le chassa et s’octroya le lac. Son dieu de père, furieux, l ‘assomma et elle périt noyée. Seule sa tête (le rocher émerge) ». Heureusement qu’un projet de Pipeline qui passait par le lac a été modifié (sur papier pour le moment). Il n’aurait manqué que ça. Nous quittons le musée, dont voici ci dessous le logo, et malheureusement le lac pour regagner Irkoutsk. 

 Nous passons devant Port Irkoutsk qui était jadis un port important et qui est devenu un port en friche. Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale de 600 000 habitants, est une ville industrielle , universitaire et scientifique très ancienne fondée en 1661.
Après un repas au restaurant qui ne m’a laissé aucun souvenir ému ni pour le cadre ni pour le menu, nous allons visiter une des maisons des décembristes. Celle du conte Volkonski. Les décembristes étaient des nobles « progressistes » qui ayant conspiré sans succès et en amateur contre le tsar Alexandre vers 1820 ont été déportés ici.
Ils y sont restés plus de 20 ans si bien que beaucoup y sont morts. Comme ils étaient quand même de la haute, ils ont échappé aux camps de déportés réservés au peuple et se sont installés dans des demeures ma foi fort coquettes.
Bien que n’étant pas condamnées à l’exil, leurs femmes les ont rejoint sachant qu’elles perdraient tout en quittant St Pétersbourg.

  Après cette visite édifiante , nous marchons dans les rues de la ville où se dressent des barres d’habitation kroutchevienne . On voit d'après les voitures garées que le niveau de vie a changé. Bien que la façade semble délabrée, l'intérieur, d'après les dires d'Anna est assez coquet. En fait certains propriétaires ont pu racheter les appartements mitoyens réduits à une ancienne fenêtre s et en faire de grands duplex dignes de nos beaux quartiers. Comme il n'y a pas de syndic chacun fait ce qu'il veut, en général rien, pour la façade.
Ces barres côtoient des isbas en bois qui ont la particularité d’avoir été bâties sans fondations, si bien qu’avec le temps elles se sont enfoncées dans un terrain meuble. Certaines ont les fenêtres à raz de terre.
  Nous continuons notre ballade pédestre et traversons une place avec l’inévitable statue de Lénine qui lui, tient toujours le coup avec son doigt éternellement pointé vers je ne sais quoi. Peut-être la voie à suivre, le chemin radieux ou l’illustration du célèbre proverbe: "lorsque le sage montre la lune du doigt, l’ignorant regarde le doigt".


Ce qui est bizarre, c’est que quelque part plus loin se trouve une place avec la statue de l’amiral Konchalk, célèbre contre révolutionnaire sanguinaire, qui finit pas loin d’ ici sa contre révolution fusillé par les rouges Sa statue se trouve sur un socle assez élevé. Jackie pense que c'est pour la protéger des détériorations des nostalgiques du communisme.
  Nous en profitons pour visiter une église typiquement russe à l’intérieur toujours chargé et au cérémonial très mystérieux. Les fidèles ne sont pas nombreux à l’office. Un dévot s’échine à s’agenouiller devant toutes les statues , Dieu sait sil elle sont nombreuses, et réciter une prière en se signant à l’envers des catholiques, comme tout orthodoxe avec 3 doigts contrairement aux vieux-croyants qui eux n’utilisent que 2 doigts. C’est d’un compliqué la religion ! En fait je ne sait qui utilise 2 ou 3 doigts.

Chemin faisant, Anna nous fait remarquer sur la fresque du fronton d’un bâtiment, un portrait de Staline. Il a été oublié nous dit-elle. Cet oubli nous parait tout de même étrange tellement les représentations de Staline ont été effacées partout en Russie.  
En nous rendant au marché nous croisons la statue d’un jeune poète très connu là bas et qui s’est noyé bêtement dans le lac Baïkal après avoir un peu trop bu.C’est dommage il avait l’air charmant.
 Le marché aux fleurs et au légumes à l’extérieur du marché couvert est très animé et coloré.
La partie couverte ressemble au marché des Remblas à Barcelone. Hélas pour nous Anna qui est pressée de retourner voir sa fille nous le fait visiter à cent à l’heure. Nous avons juste le temps d’acheter de l’omoul séché !

Un peu fatigué, nous rejoignons pour le dîner un restaurant dont j’ai oublié la physionomie.
On nous sert des raviolis sibériens fort bons au demeurant.
Il est maintenant l’heure de partir en minibus à la gare pour rejoindre Oulan Bator en Mongolie. Un jour et deux nuits de train.
Heureusement que nous ne sommes pas partis au dernier moment car les rues étant à sens unique, nous sommes obligés de faire le tour de la ville pour arriver à cette gare qui était pourtant très proche de nous.
Comme à Moscou, nous attendons le train dans la formation "voyageurs aux aguets".

  Enfin il arrive ! Il s’agit en fait d’un wagon transsibérien mongol rattaché au train local. Il n’y a que des touristes, fort peu sympathiques pour la plupart. Ce sont des baroudeurs du style « moi je voyage tout seul, pas comme certains ». Un français d’une cinquantaine d’années qui a tout vu de par le monde, arrête pratiquement la conversation lorsque Jackie lui dit que nous voyageons avec un accompagnateur. Il y aura quand même à la gare d’Oulan Bator une personne avec un écriteau avec le nom d’un organisme pour l’accueillir.
Des hollandais détestables monopoliseront la seule prise électrique du couloir pour leurs besoins personnels.
Les podvonista sont mongoles. Curieusement il y a un WC pour les hommes et un WC pour les femmes alors qu’il y a dans ce wagon une femme pour 10 hommes environ. Je m’en fous car depuis je fais ma toilette de chat à 4 heures du matin quand je me lève pour pisser.
Jackie, Vincent et moi partageons notre compartiment avec un jeune anglais qui vient de finir ses études et qui s’offre une année sabbatique pour parcourir le monde. Il parle un tout petit peu le russe et est impressionné par la facilité de Vincent à converser dans cette langue. Nous nous couchons vers minuit. Il fait chaud.

27 Mai dans le train


Je suis réveillé par le haut parleur d’une gare. Le temps de soulever sans faire de bruit le rideau de la fenêtre du compartiment, le train est déjà reparti. Je suppose que l’on était à Oulan Oude la capitale de la Bouriatie.
Il fait frais ce matin. Mes colocataires ne sont pas encore réveillés. Je vais dans le couloir désert. La prise de courant est toujours accaparée par les hollandais. Vincent m’a conseillé hier soir de ne pas discuter avec eux afin de ne pas envenimer la situation. Il a raison mais heureusement qu’on avait chargé nos appareils à Irkoutsk. Je profite du paysage qui défile.
Nous arrivons à Zaoudinski où le train prend l’embranchement qui se dirige vers la Mongolie et quitte la ligne du transsibérien ou BAM (Baikal, Amour, Mandchourie).
Tout le monde est enfin debout c’est l’heure du petit déjeuner à base de Nescafé local et de biscuits.
Le compartiment est plus rustique que celui que l’on avait entre Moscou et Irkoutsk. Les couchettes en skaï sont plus étroites et les filets de rangement plus sommaires. La table est réduite.

Le petit déjeuner vite avalé, nous regagnons le couloir. Reprennent alors les discussions le nez collé à la fenêtre. Notre train qui est tiré depuis Irkoursk par une locomotive diésel longe maintenant le lac des oies.
Nous longeons ensuite des rivières impétueuses avec encore de la neige sur les rives.
Comme depuis le départ de Moscou, la ligne est à voie unique. Nous nous arrêtons souvent mais brièvement dans des zones dédiées pour laisser passer des trains de marchandises interminables.
Lors d’un de ces arrêts une vache dégringole du ballast pour atterrir quelques mètres plus bas, les pattes en l’air. Elle est morte.

Il n’y a pas de wagon restaurant sur ce train. Nous déjeunons donc vers midi avec le poisson fumé acheté la veille, de la vache qui rit, le tout arrosé d’une bière locale. On n’a pas touché au panier préparé par Vincent.
Lors d’un arrêt nous donnons toutes nos provision à un enfant qui était sur le quai en train de trier les poubelles débarquées par la podvonista. Le train approche de la frontière. Il y a beaucoup de casernes désaffectées le long de la ligne. Cela date des années 60 à 70 où la tension était vive entre l’Union Soviétique et la Chine. Les soviétiques pensaient que lors d’un conflit éventuel, les chinois envahiraient rapidement la Mongolie avant de s’attaquer à eux. Comme ces nombreuses casernes étaient occupées par des soldats, il fallait les loger ainsi que tous les corps de métier gravitant autour des militaires. Le résultat de la désaffection a produit des villes mortes fantomatiques.

Nous arrivons vers 13h30 à Naouchki la ville frontière. Vincent nous a prévenu. Lorsque nous quitterons cette gare, les formalités policières et douanières risquent de durer de 5 à 8 heures avec nous enfermés dans le wagon et les toilettes du train condannées.
En attendant, nous descendons sur le quai nous dégourdir un peu et profiter des toilettes publiques à 18 roubles.

 En déambulant à l’extérieur de la gare nous trouvons un petit marché. Jackie achète des gants de jardin à un étalage. La vendeuse est une véritable ethnologue. Elle se renseigne via Vincent sur ce que nous pouvons cultiver. Plus loin nous savourons une glace locale. Nous déambulons ainsi une bonne heure. Lorsque nous regagnons le quai il n’y a plus que notre wagon solitaire. Sur les voies parallèles on retrouve les immenses convois de marchandise avec leurs grumeaux de bois et leur wagon citernes de produits pétroliers avec le sigle de la compagnie « Lioukos ». célèbre en occident pour son PDG emprisonné par Poutine : 
Vers 17h, notre wagon finalement rattaché à un train, nous rembarquons surpris que beaucoup de mongols y aient pris place .
Vincent nous explique que le no man’s land entre la Russie et la Mongolie ne peut être traversé à pied, les mongols désirant passer la frontière profitent du wagon. Ont-ils payé leur place ou s’agit-il d’un accord avec les polices des deux pays. On ne le sait pas.
Une dame s’installe dans notre compartiment en agitant avec force sa main devant son nez. Peut-être veut-elle nous faire comprendre que celui-ci sent le fauve et le poisson.
Toujours côté russe, nous remplissons tous les formulaires de sortie qui nous sont remis. Il commence à faire chaud dans le wagon. Une équipe de policier les récupère ainsi que nos passeports. Tous nos visas vont être contrôlés par rapport aux visas scannés à notre arrivée en Russie. Maintenant il est impossible de sortir.
Vers 18h le contrôle douanier s’effectue sans problème.
Une demie heure plus tard la même équipe nous rend nos passeports tout en nous dévisageant consciencieusement pour vérifier la conformité de la personne par rapport à la photo du passeport. C’est suivi d’un nouveau contrôle des bagages plus méticuleux..
Nous remplissons maintenant les formulaires d’entrée en Mongolie. Le train s’ébranle lentement vers 19h pour le no man’s land de 10Kms qui sépare les deux frontières. Ce dernier est sinistre. La voie est protégée de chaque côté par un grillage électrifié. Nous en profitons pour nous préparer et manger des nouilles chinoises (nouilles, petits pois et soja noyés dans de l’eau chaude du samovar). Ce n’est pas terrible mais ça sustente.
Nous arrivons à la frontière mongole. Une équipe de policiers sérieux mais souriants vérifie nos passeports. La vérification terminée, les squatteurs mongols descendent du train. Ils sont chez eux.
Vers 21h le train démarre enfin pour de bon. Après un passage aux toilettes, nous nous empressons de nous coucher car l’arrivée à Oulan Bator sera très matinale.

28 Mai en Mongolie

Vincent sonne le réveil à 6h non plutôt 5h car la Mongolie n’applique pas l’heure d’été. Holà que c’est compliqué ces changements d’heure. Je vais finir par casser le remontoir de ma montre.
Nous arrivons à la gare d’Oulan Bator à 6h. Il nous faut quitter la gare via un passage souterrain dépourvu d’escalator en empruntant un énorme escalier . Bonjour les bras pour les sacs à roulettes !
Nous sommes accueillis par Tuul notre guide locale ainsi que les incontournables minibus et son chauffeur. Nous nous arrêtons à un guichet automatique pour retirer un peu d’argent mongol dont la monnaie est le Togrog (Tigri lorsqu’il y en a beaucoup et il en faut beaucoup pour le moindre achat).

Grâce à la magie des lieux nous avons droit à un copieux petit déjeuner et une douche dans un hôtel 4 étoiles où nous ne dormirons pas.
Rassasiés et rasés de près (enfin pour les hommes) nous partons en minibus pour avoir un point de vue sur la vile. Il s’agit d’une colline dans la proche banlieue. Le sommet est accessible par un escalier de 300 marches que nous grimpons allègrement et en soufflant beaucoup.
Ça en vaut la peine. Là haut nous avons une vision panoramique à nos pieds. La ville d’un million d’habitant est située dans une cuvette et traversée par la rivière Tuul, le même nom que notre guide.

Le centre ville avec ses immeubles modernes est cerné par des faubourgs ou se mélangent cabanes et yourtes.
Beaucoup de nomades se sont réfugiés ici dans l’espoir d’une vie meilleure. A l’extrême périphérie se trouvent les nouveaux quartiers des gens aisés. Le problème d’Oulan Bator est que l’eau y est rare. La nappe phréatique alimentée par la Tuul ne suffit pas aux besoins sans cesse croissants de la la ville. Il y a de nombreuses coupures surtout pendant la saison sèche. L’électricité est fournie par des centrales thermiques très polluantes disséminées dans la banlieue.
Notre poste d’observation circulaire est entouré de fresques de l’époque soviétique avec entre autre la représentation du cosmonaute mongol dont j’ai oublié le nom.
Presque au pied de notre promontoire se trouve une énorme statue de Bouddha.
Le bouddhisme d’obédience tibétaine dite du grand véhicule est venu se superposer au chamanisme à partir du 16ème siècle. Il a été très présent jusqu’à l’arrivée en 1921 d’un régime communiste satellite de Moscou. Depuis la fin du communisme dans les 1990, le bouddhisme est en pleine résurrection si j’ose dire même s’il n’avait pas vraiment disparu.
Redescendu de notre piédestal nous regagnons le centre, non sans avoir eu droit à notre petit embouteillage, pour visiter le temple boudhiste de Gandhan Khid . Ce grand temple héberge le chef spirituel de la Mongolie , le Khamba Lama, qui comme le Dalai Lama est une réincarnation du Bouddha. Toute réincarnation qu’il soit il arrive, je l’ai vu de mes propres yeux, dans un luxueux 4x4 blindé entouré de ses gardes du corps qui n’ont pas l’air zen du tout.
Le monastère édifié en 1809 fut préservé durant le communisme. Il abrite plus de 800 moines.
Les moulins à prières sont partout, à l’extérieur et à l’intérieur.

Dans l’édifice principal, le Migjid Janraisig Sum, se trouve une statue de bouddha de 25m de hauteur recouvert de feuille d’or. Les pauvres mongols ont d’abord raqué pour que le temple s’offre une première statue. Cette dernière a été emportée à Leningrad, pardon St Pétersbourg par le grand pays frère en 1937. Comme celui-ci ne l’a jamais restitué, les mongols ont du raquer pour la deuxième statue. L’or n’étant pas donné et même s’il s’agit simplement de feuille, la contribution du peuple a dû être lourde.
Les moines installés en carré autour de tables basses ne semblent pas gênés par les allées venues incessantes des visiteurs. Il y en a de tous âges. Certains mangent, d’autres lisent. Régulièrement une voix psalmodie quelques prières qu’ils reprennent tous en chœur. Ils ont l’air très détendus. Nous sommes tout de même abstenus par respect de faire des photos.

La visite finie, nous rejoignons notre minibus pour aller dans le parc naturel du Terejl à 80 Kms d’Oulan Bator. Ce parc est situé à 1600 m d’altitude, loin de la pollution de la ville.
Nous quittons rapidement la route goudronnée pour une piste qui commence à l’entrée du parc. Nous longeons une rivière . Les roches alentours ont des allures étranges : ici une tortue, là un lama en train de prier. Il y a sur tout le trajet des camps de ger (yourtes) pour touristes. Certains sont très grands d’autres moins.

Nous sommes un peu inquiets car il est prévu que nous dormions sous la yourte ce soir. De tels campements ne répondent pas vraiment à ce que nous imaginions.
Jackie est complètement décomposée lorsque le minibus s’arrête sur le bord de la route devant un de ces camps et que Vincent déclare que l’on est arrivé à destination.
Je ne l’ai pas cru car cela ne correspond pas à l’esprit de la magie des lieux. Effectivement devant les mines déconfites, il nous dit que la famille d’éleveurs qui va nous héberger se trouve plus loin à environ deux kilomètres.
Tout le monde retrouve le sourire. Et nous commençons à pied la descente du chemin qui part de la route. Sur ce, arrive un van, un peu plus grand que le nôtre, dans lequel sont entassés des jeunes mongols. Évidemment, il se retrouve coincé dans une ornière. Tout le monde descend joyeusement. On compte 30 jeunes garçons et filles ! Très accueillants ils nous expliquent en anglais qu’ils viennent passer le week-end ici. Heureusement que nous serons loin sinon la nuit risque d’être terrible. Pas bégueules pour deux sous, ils acceptent qu’on les prenne en photo.

28 Mai en Mongolie (suite)

Nous marchons 10 minutes tout en nous félicitant de laisser les camps de ger de côté. Nous atteignons une petite maison perdue dans les prés où une personne âgée nous accueille. Vu les effusions, Vincent semble bien la connaître. Il s’agit en fait de la mère de Bimba notre hôte. Sa mère est une retraitée qui a quitté avec son mari la ville d’Oulan Bator pour se réfugier ici avec son fils et sa famille en pleine nature.
Bimba arrive avec deux chevaux dont un attelé à une charrette.

Il nous faut monter sur la charrette avec nos bagages car la rivière que nous devons traverser plusieurs fois est assez impétueuse. Il propose à quelqu’un de monter l’autre cheval mais personne ne se porte volontaire. Nous voilà partis à traverser le premier passage. Effectivement le courant est un peu rapide et le cheval peine à marcher droit. J’ai un peu honte, un si petit cheval qui traîne six personnes.
Après trois traversées successives nous arrivons à notre campement. C’est ça la magie des lieux. Un endroit merveilleux avec deux yourtes , près d’une rivière.

Des animaux tout autour en train de brouter librement : vaches,chèvres, moutons,chevaux, yacks.
Les moutons ici ont la particularité d’être très gras et d’avoir une grosse queue
Nous pénétrons dans notre yourte où Otro la femme de Bimba est en train de boire un thé.
Bimba et Otro sont les éleveurs des animaux qui paissent ici. Ils vivent un peu plus haut dans la maison avec la grand-mère. Ils ont deux enfants très curieux de notre présence mais qui ne veulent pas se faire photographier.
La taille de la yourte circulaire , en feutre recouvert de tissus blanc,dépend du nombre de croisillons, la nôtre en a cinq, qui servent à soutenir la toile de feutre et à assurer la rigidité de l’ensemble. Les croisillons sont faits de branches de bouleau et assemblés à l’aide de boyaux de chameau.
Au centre, deux poteaux légers font office de mat terminé par un trou entouré de métal pour ne pas que le tuyau du poele brûle la toile. Le trou par lequel sort ce tuyau peut être fermé à l’aide d’un capuchon situé sur le toit. Une corde lestée d’une pierre sert à empêcher la yourte de s’envoler en cas de tempête. Lorsqu’elle ne remplie pas cet office, elle est soigneusement pliée et rangée entre les liteaux qui soutiennent le toit. Le bon arrangement de cette corde indique chez les mongols, le sérieux de l’habitation. Le poele occupe le centre de la yourte dont la porte d’entrée est assez basse. Je m’y cogne la tête régulièrement. Le bas de la toile de feutre peut être remonté sur tout le tour pour assurer le passage de l’air lorsqu’il fait chaud.
Les yourtes traditionnelles comportent très peu de meubles tous rangés du même côté. Un coffre pour ranger les vêtements, un petit autel de prière, le ou les lits ainsi que le fauteuil du chef de famille. Les invités sont reçus dans l’autre moitié. Nos yourtes sont simplement équipées de lits et d’une table avec des bancs.

Après avoir pris notre repas, nous partons faire une randonnée avec Bimba, sa charrette et ses deux chevaux car nous aurons de nouveau à traverser des rivières. Cette fois-ci Annick accepte de monter le cheval.
Nous rencontrons des troupeaux qui ne sont gardés par personne. Bimba nous amène visiter une famille d’éleveurs qui vivent dans une yourte La maîtresse de maison (pardon de yourte) est très accueillante et nous invite à l’intérieur pou boire du thé avec du lait et des beignets délicieux.

Elle a un petit bébé adorable. Il est très difficile d’élever un bébé dans une yourte à cause du poêle sur lequel il risque en permanence de buter et de se brûler !
La yourte n’a ni eau et ni électricité. La vie d’une femme mongole est très pénible. Elle doit porter l’eau, alimenter le poêle, faire la cuisine et la vaisselle, élever les enfants, s’occuper des bêtes et j’en oublie sûrement. Elle n’est vraiment bien considérée que si elle donne naissance à trois garçons.
Nous la quittons avec regret en nous promettant de lui faire parvenir par Bimba des calissons que nous avons amenés avec nous.
Continuant notre ballade nous rencontrons un cavalier mongol à la recherche de son troupeau.

 Il est magnifique dans son habit avec ses grandes manches qui lui servent de gants.
Bimba téléphone à d’autres éleveurs pour savoir s’ils ont vu le troupeau égaré tandis que Tuul téléphone à je ne sais qui. En pleine nature le contraste entre modernité et tradition est saisissant.

Lors de la traversée d’une rivière le cheval s’emballe alors que Bimba qui s’apprêtait à monter sur la charrette ne lui tenait pas la bride. Il faut la présence d’esprit de Vincent pour la récupérer en attendant son retour. Nous avons juste le temps de sauter à terre.
Nous regagnons notre camp et consacrons un peu de temps à écrire, dehors au soleil, quelques cartes postales. Les premières et les dernières du voyage. Tuul nous a promis qu’elle les postera. Sa promesse a été tenue car toutes les cartes, même celle destinée à Anita et Marcel nos amis de l’Uruguay, sont arrivées à bon port trois semaines plus tard. Enfin presque toutes car notre fils Matthias, qui habite en plein centre de Paris, n’a jamais reçu la sienne, un comble !
Un cavalier mongol passe au galop pour rattraper des chevaux qui s’enfuient. Il a une allure magnifique. Les enfants mongols de la steppe apprennent à monter à cheval dès l’âge de sept ans. Ça ne m’étonne pas que ce cavalier ait l’air si à l’aise même au galop.
 Bimba nous a creusé des toilettes protégées par une toile de tente. Nous pensions que ce n’était pas nécessaire, la nature étant assez grande , mais il devait craindre que nous souillions la rivière. Les mongols, du moins les éleveurs, ne supportent pas que l’on dégrade leur cours d’eau. Ça ne date pas d’hier, déjà sous Gengis Khan ils se méfiaient de l’islam à cause des ablutions dans les rivières et de la façon de tuer les moutons en les égorgeant. Vincent nous a raconté qu’il avait dû tuer une fois un mouton offert pour sa venue. Il en était malade à essayer de lui coincer la carotide ou je ne sais quoi pour l’étouffer.
Tuul nous propose ensuite des jeux de société mongols. Ces derniers sont des spécialistes en casse tête mongols, pas chinois, très compliqués fabriqués en cuir en os ou en bois.
Ils jouent aussi aux osselets. La tranche bombée représente un cheval, la creuse un chameau. Le plat bombé représente un mouton, le creux une chèvre. Il suffit de les lancer et d’avoir des figures identiques. C’est presque un jeu de dés.
Il commence à faire frais dehors, on est bien avec le poêle qui chauffe. Nous assistons ensuite dans l’autre yourte à la fabrication des raviolis mongols. Otro et Tuul sont très expertes et rapides pour les faire, en forme de mouton s’il vous plait. La pâte est faite simplement avec de la farine et de l’eau. La farce est composée de choux et de viande de mouton ou de chèvre. Les mongols aiment la viande la plus grasse possible. Ils y ont intérêt aussi vu leurs conditions de vie. Les mongols de la steppe ne sont d’ailleurs pas gras. Elles étalent ensuite les raviolis sur une feuille de plastique, elle-même posée sur une plaque métallique à trous. Puis le tout est posé avec un couvercle sur le wock dans lequel il y a un peu d’eau.
Tuul nous dit que le wock est mongol et que ce sont les chinois qui s’en sont inspiré. Est-ce vrai ? Toujours est-il qu’il est utilisé en permanence pour la cuisine mongole.



Au bout d’un quart d’heure ils sont cuits. Il ne reste plus qu’à les manger. Excellentissimes !
Le repas fini, nous préparons la yourte pour la nuit : bois pour le feu, allumettes, bougies, pierres de la rivière mises à chauffer sur le poele pour glisser sous la couverture en cas de froid vif.
Pendant ce temps Otro fait la vaisselle dans une petite bassine avec très peu d'eau, sous la yourte et surtout pas à la rivière!
Tsogy nous rejoint ensuite. C’est la sœur de Bimba. Elle est la gestionnaire d’Espace Est Ouest pour la Mongolie. Vincent nous raconte leur rencontre.
Dans un restaurant de Genève il était en train de faire part à un ami de son désir de monter une structure en Mongolie lorsque une serveuse mongole qui parlait très bien le français s’avance et lui dit qu’elle est partante pour l’aventure. C’était Tsogy ! Ils ont très vite sympathisé et depuis leur collaboration dure.
Elle est venue nous rejoindre avec son mari et ses deux enfants : le petit Thomas âgé de douze ans et un tout petit adorable avec des cheveux très longs.
Tsogy nous précise que c’est la coutume en Mongolie. Dès ses trois ans il sera rasé et pas n’importe quel jour. Il faut consulter le calendrier, proche du calendrier chinois, pour choisir le jour le plus favorable.

Nous sommes réunis dehors autour d’un grand feu que Bimba a préparé dans l’après midi. Nous buvons un vin local qui évidemment n’est pas fait avec du raisin. Il est bizarre mais agréable au goût.
Tuul et Tsogy nous parle de leur condition de femme qui est très difficile. Chacune doit se soumettre à la belle famille qui peut pénétrer chez elle n’importe quand. Une femme qui travaille est mal vue. Elle doit en plus assumer une multitude de tâches. Tsogy nous dit que maintenant qu’elle a son troisième garçon, elle est beaucoup mieux considérée. Tuul n’a pas cette chance, mère d’un garçon seulement, elle ne compte pas en avoir d’autres
Le mari de Tsogy parle le français. Il nous dit qu’il l’a simplement appris en écoutant les conversations entres sa femme et son grand fils.Thomas apprend l’anglais au lycée. Il nous chante quelques ballades anglaises. Ses parents, surtout sa mère, sont très fiers de lui.


Il est onze heures du soir et le feu est consumé. Comme tous les enfants du monde, Thomas et son frère jouent à faire tourner des bâtons dont le bout est une braise.
Nous regagnons notre lit douillé et nous endormons très rapidement.