Anna nous a rejoint sans son bébé à notre grande déception. Son mari a pu se débrouiller pour le garder.
Elle nous guide dans l’aquarium, qui bien que plus petit que celui de Monterrey en Californie n’en est pas moins passionnant. Toutes les espèces animales du lac y sont présentes ainsi que quelques poissons du lac Tanganika en Afrique. Les deux musées sont jumelés à cause de leur ressemblance hydrographique et géologique. Ceux du Tanganika sont plus colorés car l’eau y est bien plus chaude.
Le Baïkal est tellement gelé sur une grande profondeur l’hiver (50 à 70 cm) que les voitures peuvent y rouler dessus sans craintes. On y a même vu des trains au début du siècle derniers lors de la guerre entre Russe et Japonais. Les poissons du Baïkal sont essentiellement des salmonidés dont le plus courant est l’omoul ,ainsi que des esturgeons prisés pour leur caviar. Il y a de curieux petits crustacés presque transparents qui vivent en profondeur et qui sont les véritables recycleurs du lac. Ils avalent tous les déchets organiques qui tombent jusqu’à eux.
Mais l’animal qui attire le plus les visiteurs est le phoque du Baïkal, endémique du lieu. C’est le seul phoque d’eau douce au monde. Les savants pensent qu’il est le descendant de phoques de l’océan arctique qui sont arrivés là par l’Ienisseï puis son affluent l’Angara, déversoir du lac au sud de ce dernier, puis s'y sont retrouvés piégés et se sont adaptés. On compte environ 60 000 phoques dont les deux du musée.
Il y a une classe qui fait la visite en même temps que nous. Pendant que la maîtresse parle en montrant les aquariums, les chers enfants arrachent subrepticement les poils d’un bébé phoque naturalisé. On dirait qu’il a la pelade !
Le lac Baïka,l assez préservé jusque là, est menacé par la rivière Selenga qui charrie tous les déchets industriels en provenance de la ville russe Oulan Bate, et d'une usine de pâte à papier. Cette usine vient de redémarrer après un interruption de plusieurs années pour sauvegarder des emplois vitaux dans ce coin désindustrialisé de la Sibérie.
Un barrage hydroélectrique à la naissance de l’Angara entre le lac et Irkoutsk a fait monter le niveau des eaux et endommagé les berges. La légende du gigantesque rocher qui barrait le fleuve à sa naissance que nous a conté Anna n’a aujourd’hui plus beaucoup de sens. Le rocher affleure à peine. Je vais essayer de la résumer malgré ma mémoire quelque peu défaillante :
« Le dieu du lac avait deux enfants, un garçon et une fille qui se disputaient tout le temps. Le dieu avait promis le lac au premier des deux qui se marierait. Le garçon jeta son dévolu sur sa sœur qui se refusait à lui. Elle fini quand même par faire semblant de lui céder et par une ruse infâme le chassa et s’octroya le lac. Son dieu de père, furieux, l ‘assomma et elle périt noyée. Seule sa tête (le rocher émerge) ». Heureusement qu’un projet de Pipeline qui passait par le lac a été modifié (sur papier pour le moment). Il n’aurait manqué que ça. Nous quittons le musée, dont voici ci dessous le logo, et malheureusement le lac pour regagner Irkoutsk.
Nous passons devant Port Irkoutsk qui était jadis un port important et qui est devenu un port en friche. Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale de 600 000 habitants, est une ville industrielle , universitaire et scientifique très ancienne fondée en 1661.
Après un repas au restaurant qui ne m’a laissé aucun souvenir ému ni pour le cadre ni pour le menu, nous allons visiter une des maisons des décembristes. Celle du conte Volkonski. Les décembristes étaient des nobles « progressistes » qui ayant conspiré sans succès et en amateur contre le tsar Alexandre vers 1820 ont été déportés ici. Ils y sont restés plus de 20 ans si bien que beaucoup y sont morts. Comme ils étaient quand même de la haute, ils ont échappé aux camps de déportés réservés au peuple et se sont installés dans des demeures ma foi fort coquettes.
Bien que n’étant pas condamnées à l’exil, leurs femmes les ont rejoint sachant qu’elles perdraient tout en quittant St Pétersbourg.
Après cette visite édifiante , nous marchons dans les rues de la ville où se dressent des barres d’habitation kroutchevienne . On voit d'après les voitures garées que le niveau de vie a changé. Bien que la façade semble délabrée, l'intérieur, d'après les dires d'Anna est assez coquet. En fait certains propriétaires ont pu racheter les appartements mitoyens réduits à une ancienne fenêtre s et en faire de grands duplex dignes de nos beaux quartiers. Comme il n'y a pas de syndic chacun fait ce qu'il veut, en général rien, pour la façade.
Ces barres côtoient des isbas en bois qui ont la particularité d’avoir été bâties sans fondations, si bien qu’avec le temps elles se sont enfoncées dans un terrain meuble. Certaines ont les fenêtres à raz de terre.
Nous continuons notre ballade pédestre et traversons une place avec l’inévitable statue de Lénine qui lui, tient toujours le coup avec son doigt éternellement pointé vers je ne sais quoi. Peut-être la voie à suivre, le chemin radieux ou l’illustration du célèbre proverbe: "lorsque le sage montre la lune du doigt, l’ignorant regarde le doigt".
Ce qui est bizarre, c’est que quelque part plus loin se trouve une place avec la statue de l’amiral Konchalk, célèbre contre révolutionnaire sanguinaire, qui finit pas loin d’ ici sa contre révolution fusillé par les rouges Sa statue se trouve sur un socle assez élevé. Jackie pense que c'est pour la protéger des détériorations des nostalgiques du communisme.
Nous en profitons pour visiter une église typiquement russe à l’intérieur toujours chargé et au cérémonial très mystérieux. Les fidèles ne sont pas nombreux à l’office. Un dévot s’échine à s’agenouiller devant toutes les statues , Dieu sait sil elle sont nombreuses, et réciter une prière en se signant à l’envers des catholiques, comme tout orthodoxe avec 3 doigts contrairement aux vieux-croyants qui eux n’utilisent que 2 doigts. C’est d’un compliqué la religion ! En fait je ne sait qui utilise 2 ou 3 doigts.
Chemin faisant, Anna nous fait remarquer sur la fresque du fronton d’un bâtiment, un portrait de Staline. Il a été oublié nous dit-elle. Cet oubli nous parait tout de même étrange tellement les représentations de Staline ont été effacées partout en Russie.
En nous rendant au marché nous croisons la statue d’un jeune poète très connu là bas et qui s’est noyé bêtement dans le lac Baïkal après avoir un peu trop bu.C’est dommage il avait l’air charmant.
Le marché aux fleurs et au légumes à l’extérieur du marché couvert est très animé et coloré.
La partie couverte ressemble au marché des Remblas à Barcelone. Hélas pour nous Anna qui est pressée de retourner voir sa fille nous le fait visiter à cent à l’heure. Nous avons juste le temps d’acheter de l’omoul séché !
Un peu fatigué, nous rejoignons pour le dîner un restaurant dont j’ai oublié la physionomie. On nous sert des raviolis sibériens fort bons au demeurant.
Il est maintenant l’heure de partir en minibus à la gare pour rejoindre Oulan Bator en Mongolie. Un jour et deux nuits de train. Heureusement que nous ne sommes pas partis au dernier moment car les rues étant à sens unique, nous sommes obligés de faire le tour de la ville pour arriver à cette gare qui était pourtant très proche de nous.
Comme à Moscou, nous attendons le train dans la formation "voyageurs aux aguets".
Des hollandais détestables monopoliseront la seule prise électrique du couloir pour leurs besoins personnels. Les podvonista sont mongoles. Curieusement il y a un WC pour les hommes et un WC pour les femmes alors qu’il y a dans ce wagon une femme pour 10 hommes environ. Je m’en fous car depuis je fais ma toilette de chat à 4 heures du matin quand je me lève pour pisser.
Jackie, Vincent et moi partageons notre compartiment avec un jeune anglais qui vient de finir ses études et qui s’offre une année sabbatique pour parcourir le monde. Il parle un tout petit peu le russe et est impressionné par la facilité de Vincent à converser dans cette langue. Nous nous couchons vers minuit. Il fait chaud.