27 Mai dans le train


Je suis réveillé par le haut parleur d’une gare. Le temps de soulever sans faire de bruit le rideau de la fenêtre du compartiment, le train est déjà reparti. Je suppose que l’on était à Oulan Oude la capitale de la Bouriatie.
Il fait frais ce matin. Mes colocataires ne sont pas encore réveillés. Je vais dans le couloir désert. La prise de courant est toujours accaparée par les hollandais. Vincent m’a conseillé hier soir de ne pas discuter avec eux afin de ne pas envenimer la situation. Il a raison mais heureusement qu’on avait chargé nos appareils à Irkoutsk. Je profite du paysage qui défile.
Nous arrivons à Zaoudinski où le train prend l’embranchement qui se dirige vers la Mongolie et quitte la ligne du transsibérien ou BAM (Baikal, Amour, Mandchourie).
Tout le monde est enfin debout c’est l’heure du petit déjeuner à base de Nescafé local et de biscuits.
Le compartiment est plus rustique que celui que l’on avait entre Moscou et Irkoutsk. Les couchettes en skaï sont plus étroites et les filets de rangement plus sommaires. La table est réduite.

Le petit déjeuner vite avalé, nous regagnons le couloir. Reprennent alors les discussions le nez collé à la fenêtre. Notre train qui est tiré depuis Irkoursk par une locomotive diésel longe maintenant le lac des oies.
Nous longeons ensuite des rivières impétueuses avec encore de la neige sur les rives.
Comme depuis le départ de Moscou, la ligne est à voie unique. Nous nous arrêtons souvent mais brièvement dans des zones dédiées pour laisser passer des trains de marchandises interminables.
Lors d’un de ces arrêts une vache dégringole du ballast pour atterrir quelques mètres plus bas, les pattes en l’air. Elle est morte.

Il n’y a pas de wagon restaurant sur ce train. Nous déjeunons donc vers midi avec le poisson fumé acheté la veille, de la vache qui rit, le tout arrosé d’une bière locale. On n’a pas touché au panier préparé par Vincent.
Lors d’un arrêt nous donnons toutes nos provision à un enfant qui était sur le quai en train de trier les poubelles débarquées par la podvonista. Le train approche de la frontière. Il y a beaucoup de casernes désaffectées le long de la ligne. Cela date des années 60 à 70 où la tension était vive entre l’Union Soviétique et la Chine. Les soviétiques pensaient que lors d’un conflit éventuel, les chinois envahiraient rapidement la Mongolie avant de s’attaquer à eux. Comme ces nombreuses casernes étaient occupées par des soldats, il fallait les loger ainsi que tous les corps de métier gravitant autour des militaires. Le résultat de la désaffection a produit des villes mortes fantomatiques.

Nous arrivons vers 13h30 à Naouchki la ville frontière. Vincent nous a prévenu. Lorsque nous quitterons cette gare, les formalités policières et douanières risquent de durer de 5 à 8 heures avec nous enfermés dans le wagon et les toilettes du train condannées.
En attendant, nous descendons sur le quai nous dégourdir un peu et profiter des toilettes publiques à 18 roubles.

 En déambulant à l’extérieur de la gare nous trouvons un petit marché. Jackie achète des gants de jardin à un étalage. La vendeuse est une véritable ethnologue. Elle se renseigne via Vincent sur ce que nous pouvons cultiver. Plus loin nous savourons une glace locale. Nous déambulons ainsi une bonne heure. Lorsque nous regagnons le quai il n’y a plus que notre wagon solitaire. Sur les voies parallèles on retrouve les immenses convois de marchandise avec leurs grumeaux de bois et leur wagon citernes de produits pétroliers avec le sigle de la compagnie « Lioukos ». célèbre en occident pour son PDG emprisonné par Poutine : 
Vers 17h, notre wagon finalement rattaché à un train, nous rembarquons surpris que beaucoup de mongols y aient pris place .
Vincent nous explique que le no man’s land entre la Russie et la Mongolie ne peut être traversé à pied, les mongols désirant passer la frontière profitent du wagon. Ont-ils payé leur place ou s’agit-il d’un accord avec les polices des deux pays. On ne le sait pas.
Une dame s’installe dans notre compartiment en agitant avec force sa main devant son nez. Peut-être veut-elle nous faire comprendre que celui-ci sent le fauve et le poisson.
Toujours côté russe, nous remplissons tous les formulaires de sortie qui nous sont remis. Il commence à faire chaud dans le wagon. Une équipe de policier les récupère ainsi que nos passeports. Tous nos visas vont être contrôlés par rapport aux visas scannés à notre arrivée en Russie. Maintenant il est impossible de sortir.
Vers 18h le contrôle douanier s’effectue sans problème.
Une demie heure plus tard la même équipe nous rend nos passeports tout en nous dévisageant consciencieusement pour vérifier la conformité de la personne par rapport à la photo du passeport. C’est suivi d’un nouveau contrôle des bagages plus méticuleux..
Nous remplissons maintenant les formulaires d’entrée en Mongolie. Le train s’ébranle lentement vers 19h pour le no man’s land de 10Kms qui sépare les deux frontières. Ce dernier est sinistre. La voie est protégée de chaque côté par un grillage électrifié. Nous en profitons pour nous préparer et manger des nouilles chinoises (nouilles, petits pois et soja noyés dans de l’eau chaude du samovar). Ce n’est pas terrible mais ça sustente.
Nous arrivons à la frontière mongole. Une équipe de policiers sérieux mais souriants vérifie nos passeports. La vérification terminée, les squatteurs mongols descendent du train. Ils sont chez eux.
Vers 21h le train démarre enfin pour de bon. Après un passage aux toilettes, nous nous empressons de nous coucher car l’arrivée à Oulan Bator sera très matinale.

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